Sans être en vigueur, la Charte des valeurs québécoises divise déjà la population, car elle touche et remet en cause les convictions profondes de tout un chacun. Une certaine animosité se fait ressentir. Les opinions des citoyens sur le sujet sont multiples et opposées. Peu importe le choix final des électeurs, plusieurs seront mécontents. Le risque de révolte est manifeste.
Encore aujourd’hui, je suis indécise quant à ma position sur le sujet. Toutefois, à la suite de la lecture de la lettre de madame Johanne Chayer, qui est en faveur de la Charte, j’ai compris davantage l’importance accordée à sa mise en vigueur. N’ayant pas vécu à l’époque des inégalités hommes-femmes, je ne peux avoir à cœur autant le travail acharné fait par des femmes pour obtenir l’équité. Je leur en suis énormément reconnaissante, car je suis féministe dans l’âme. Néanmoins, on comprend toujours mieux quand on a vécu. Grâce à l’expérience de madame Chayer et à sa vision de l’évolution de notre société, je comprends que la Charte des valeurs québécoises ne sert pas à opprimer les nations musulmanes, mais plutôt à respecter les femmes.
Certains passages de la lettre m’ont particulièrement touchée. Johanne Chayer a écrit : « je me souviens qu'après avoir eu un fils, je ne voulais plus d'autres enfants de peur que ce ne soit des filles, par solidarité et parce que le travail qui restait encore à faire pour atteindre l'égalité était énorme » (Chayer, 2013). Je conçois que c’est ce qu’il se passe aujourd’hui dans les pays arabes. Néanmoins, concevoir qu’au Québec nous avons déjà eu cette mentalité m’affecte, car dur à croire dans les années 2000. La fatalité de la vie d’une femme était tellement réelle, que la dame a préféré ne pas avoir de fille, pour éviter la souffrance d’une femme de plus. Elle ajoute :
« Le port du voile dans la religion musulmane est pour nous la démonstration la plus importante de la soumission de la femme et c'est cela qui nous fait peur et qui nous choque parce qu'on se souvient. On se souvient que ce symbole existait il y a cinquante ans et on ne veut pas revenir en arrière » (Chayer, 2013).
Autrefois, l’Église et la religion catholique étaient omniprésentes, elles avaient un pouvoir absolu sur la vie des Québécois et des Québécoises. Ces derniers ont dû unir leur force, pendant plus de cinquante ans, pour se libérer de cette emprise et vivre dans une société laïque. « Que l'on prie Jésus, Mahomet ou Bouddha m'importe peu, mais nous nous sommes battus, québécois et québécoises, pour que notre société soit laïque » (Chayer, 2013), affirme Johanne Chayer. La laïcité empêche la discrimination, elle met tous les êtres humains sur le même pied d’égalité. Le peuple québécois aime dire haut et fort qu’il est ouvert, car il accepte les diversités culturelles. Toutefois, son ouverture aveugle le pousse à renoncer et à faire fi de tant de travail déployé durant un peu plus d’un demi-siècle. Le prochain passage est révélateur de la pensée de Johanne Chayer :
« La tolérance envers ces symboles religieux que sont le voile, le Kirpan, le turban dans les CPE, dans nos écoles et dans nos institutions en général est un manque de respect pour les générations précédentes qui ont travaillé si fort pour se retirer de l'emprise de la religion sur nos vies. Vous ne vous souvenez pas ! Moi, je me souviens et à cet égard, je n'ai aucune tolérance et je ne veux aucun accommodement par respect pour ma mère, ma tante et pour mes petites filles » (Chayer, 2013).
Madame Chayer est catégorique, elle voudrait qu’aucun accommodement raisonnable ne soit accordé au Québec. Le problème est que la province est reconnue pour son approbation quant au port de symboles religieux en raison de l’ouverture sur le monde qu’elle prône. Il est donc difficile de changer d’avis et d’action du jour au lendemain. Les minorités ethniques se sentent évidemment attaquées. Qu’ont-ils fait pour que les Québécois et les Québécoises changement leurs mentalités et leurs convictions ? Certaines femmes musulmanes écrivent des lettres pour exprimer leur désarroi. Elles sont nées au Québec et elles ont fondé leur famille, c’est leur chez soi. Elles se sont senties en sécurité depuis leur plus tendre enfance. Désormais, elles ont peur de sortir de chez elles, car certains citoyens québécois font des actes racistes ne comprenant pas le réel débat ayant trait à la Charte des valeurs québécoises. Il y a des extrémistes en tout bien entendu. Par contre, la Charte des valeurs comporte jusqu'alors des frontières floues. Ainsi, le risque de mésentente et de dérapage est imminent.
N’oublions pas, Québécois et Québécoises, que la province nous appartient. Elle est le fruit de notre dur labeur. Nous ouvrons nos portes aux ethnies pour sauver leur vie, car nous avons à cœur l’humanisme. Néanmoins, il est impératif que nous soyons respectés dans notre histoire, nos traditions, nos coutumes, nos valeurs et nos convictions profondes. Restons ouverts, mais ne soyons pas bonasses au détriment de l’affirmation de notre identité.
« Souvenez-vous que si vous avez immigré au Canada et surtout au Québec, c'est pour faire partie d'une société ouverte qui vous donne sur un plateau d'argent tous les acquis que les générations précédentes ont obtenus particulièrement au chapitre des droits des femmes » (Chayer, 2013).
S’il y a lieu, pour s’assurer que la Charte des valeurs québécoises soit positive pour la majorité, elle devra s’insérer tranquillement. Un long travail devra être fait pour faire comprendre l’objectif réel de la Charte. Le Gouvernement aura l’obligation d’installer des moyens de communication diversifiés et clairs pour éviter des bévues. Malheureusement, même avec le meilleur vouloir du gouvernement, la Charte est un sujet des plus émotifs qui affecte profondément les individus. Il est évident que le cheminement sera long pour en arriver à un consensus en regard de la Charte des valeurs québécoises.
*** Veuillez noter qu’aucune correction n’a été faite dans les citations. Elles sont donc fidèles aux écrits de Johanne Chayer.
Source :
Chayer, Johanne. 2013. « Je me souviens ». En ligne. http://www.chezmaya.com/07/1/Je_me_souviens-%20rev1.pdf. Consulté le 28 octobre 2013.
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