dimanche 17 novembre 2013

L'épidémie du TDAH


Je suis diagnostiquée TDA depuis maintenant près d’un an. Je semblais souffrir, en effet, de plusieurs symptômes habituellement associés au syndrome : oublis fréquents, mauvaise organisation, faible estime personnelle, sautes d’humeur, manque de concentration et difficultés d’apprentissage. Bref, je croyais être une artiste timide qui devait rapidement s’initier à la méditation. Le docteur, lui, en conclut autrement. Malgré mes difficultés scolaires et les faibles espoirs de réussite qu’on me prêtait autrefois, je suis parvenu aux études universitaires, probablement parce que j’hérite de ce qu’on appelle, au Québec, une tête de cochon. J’étais persuadée qu’avec le temps, j’avais appris à surmonter mes faiblesses, à vivre avec mes défauts et à m’assurer un avenir prometteur. Le docteur, lui, n’était pas de cet avis.

En moins de 15 minutes, je sortais du bureau avec une prescription d’amphétamine à la main. Lors des premières semaines, j’ai choisi de suivre les recommandations du médecin et de prendre mes pilules sur une base régulière. En réponse à mes inquiétudes, celui-ci m’assura qu’une telle médication ne pouvait engendrer une dépendance chez le patient. Et bien, docteur, j’observe le contraire. Rapidement, je n'arrivais plus à fonctionner sans mes pilules : nausées, maux de tête, sautes d’humeur multipliées, fatigue accrue, etc. Non seulement j’étais devenu incapable de me concentrer sur quoi que ce soit, mais je n’avais plus du tout envie de le faire. Un choix s’imposait : soit je prenais la médication tous les jours sans exception, soit je terminais mes études comme je les avais entamées, avec mon ancienne tête troublée.

Certains me disent que « c’est ridicule », que je n’ai pas besoin de « ça » pour réussir à l’école. Une réaction que j’anticipais déjà. Toutefois, à ma grande surprise, les gens ont généralement tendance à me confier qu’ils croient souffrir, eux aussi, d’un TDAH et qu’ils souhaiteraient, éventuellement, obtenir une prescription (lorsque ce n’est pas déjà fait). Ce sentiment d’inaptitude ou d’insuffisance n’appartient pas qu’aux plus vieux. En effet, mon petit frère de 12 ans, beau, intelligent, mature et drôle, considère que, sans ses médicaments, il est « juste un cave ». Pour aller à l’école, dit-il, ça lui prend ses « pilules d’intelligence »…

Mon médecin espère ardemment trouver de nouvelles pilules psychostimulantes qui sauront me satisfaire, et que je pourrai avaler « tous les jours, même une fois l’école terminée ». Bref, toute ma vie. Jusqu'ici, j'ai refusé. J'appuie l’idée selon laquelle certaines personnes souffrent d’un trouble d’attention et d’hyperactivité pour lequel, sans médication, la difficulté de fonctionner en société serait beaucoup trop grande. Cependant, je crois que l’épidémie de TDAH qui fait ravage ces dernières années résulte d’un mal collectif, bien plus qu’individuel.

2 commentaires:

Unknown a dit…

Il est désolant de constater que la société d’aujourd’hui prône la surmédicalisation du mal-être. Grâce aux découvertes scientifiques, il est désormais possible de soigner pratiquement tous les malaises de l’homme. La question à se poser : mais d’où proviennent toutes ces formes de malaises ? De notre société de surconsommation évidemment ! Pour que l’être humain survive à travers le cycle rapide et incessant qu’est devenue la vie, il doit être à l’apogée de sa forme physique et mentale. Il n’a pas une minute pour s’arrêter s’il veut avoir la chance de ne pas être engouffré dans le flux continu de l’existence. L’être humain se doit d’être parfait et s’il ne l’est pas, il est fautif. Étant en tort, il a le devoir d’y remédier. Malheureusement, personne n’est parfait. On voit ainsi apparaître un phénomène de société. En majorité, les individus désirent être parfaits. Comment devenir un surhomme ? En prenant une médication quotidienne permettant de se surpasser, de devenir ce qu’on a toujours voulu être. Vivement la performance inhumaine ! La médication offerte pour les personnes qui ont un diagnostic de TDAH est l’exemple par excellence. Devenant accros aux pilules d’intelligence, les patients n’ont aucune raison d’arrêter. Leur médication leur permet de se sentir bons et à la hauteur des attentes de la société. Il devient de plus en plus difficile d’assouvir notre besoin grandissant de médicaments. Jour après jour, nous nous agenouillons devant notre maître qu’est la médication.

Unknown a dit…

Ton billet m’interpelle tout particulièrement. Je suis, jour après jour, entourée de personnes souffrant de troubles de l’attention, diagnostiqué ou non. Je peux très bien comprendre ton désir de vouloir vivre une vie un peu plus « normale ».

À te lire, il n’y a que deux choix. Prendre ou ne pas prendre de médicaments. Je comprends très bien ton dilemme. Je comprends aussi que la job du médecin est de te proposer des médicaments. Est-ce que tu as pensé à essayer des suppléments naturels? Peut être que ça ne fonctionnera pas, peut être que ça va t’aider. Les résultats sont surement moins évidents et drastiques qu’avec les médicaments, mais je pense que ça vaudrait la peine d’essayer. Surtout, si tu ressens aussi fortement le manque de médicaments. Il existe quelques alternatives, comme les oméga-3, le magnésium, le LTO3, la diète sans sucre et l’acupuncture. Pratiquer une activité physique et jouer d’un instrument musical pourrait aussi te donner un coup de pouce, apparemment.

Aussi, étant donné que je ne connais pas cette condition dans un univers médical, je me demande s’il n’y a pas plusieurs niveaux de troubles de l’attention. Est-ce que des personnes peuvent avoir tous les symptômes, mais à un degré moindre? Et à quel point est-ce que les technologies de l’information n’aident pas à votre cause? Tout le monde se bat, pour avoir ne serait-ce qu’une infime proportion de notre attention. Nous sommes tous bombardés, à longueur de journée, par tous les moyens possibles. À quel point est-ce néfaste pour vous?

Bonne chance & bonne continuation.