mardi 4 décembre 2012

La critique, une nouvelle forme de marketing?


« Il ne faut pas morde la main de celui qui nous nourrit »
Le commerce, l’argent et le profit ne dominent pas le monde. Tous les travailleurs exercent leur profession main dans la main et la justice règne sur terre. Dans le meilleur des mondes, ces affirmations seraient vraies, mais bien entendu le capital et le commerce ont une grande importance dans notre vie de tous les jours. La mise en marché, plus communément appelé le marketing, est partout, et ce, même dans les critiques d’art. À la base, la critique devrait être objective, mais il est flagrant qu’elle ne l’est pas toujours dans les quotidiens du Québec...

Comme le dicton populaire l’enseigne, il ne faut pas mordre la main de celui qui nous nourrit. Il est facile de faire une analogie avec la critique artistique qui se fait au Québec. Dès que l’on parle un peu de la critique d’ici, les commentaires sont les mêmes ; la critique n’est plus constructive et par le fait même elle n’est plus aussi pertinente. Un bon nombre de gens ont constaté ce phénomène navrant et les causes sont toutes sensiblement les mêmes: les journalistes qui sont chargés de critiquer l’art  sont généralement des artistes, donc la solidarité l’emporte sur l’objectivité. De surcroît, comme le marché est plutôt fermé, on préfère souvent faire une bonne couverture afin de promouvoir le produit. L’autre raison majeure qui pousse les journalistes à écrire  des critiques qui vont à l’encontre de leur conviction est simple: leur supérieur leur a fortement suggéré d’écrire ainsi. La maxime populaire mentionnée ci-dessus prend alors tout son sens. Avant de pouvoir mordre la main de celui qui le nourrit, ce dernier doit avoir assez de revenus pour se nourrir, c’est pourquoi les journalistes sont contraints d’écrire des textes qui plairont à tous et qui seront des sources de gains substantiels.

Une question corollaire me vient en tête : qu’adviendrait le journaliste, qui déciderait de mordre la main de son maître? Les critiques du journal Le Devoir ont tenté l’expérience. D’ailleurs, selon l’auteur de l’ouvrage de référence intitulé Lire le Québec au quotidien, Louis Cornellier, Le Devoir est le seul journal de référence en matière de danse et de littérature québécoise.
 En écrivant objectivement et en ayant une seule visée soit d’informer le plus justement les lecteurs, les critiques qui travaillent pour Le Devoir perdent leur statut de meilleur ami de l’homme. Effectivement, ces employés qui n’ont pas le « réflexe conditionné pavlovien » d’écrire des textes insipides et biaisés comme tous les autres employés de monsieur P. sont traités comme des chiens qui se seraient mal conduits et que l’on devrait durement punir...

Le message est assez évident, les dirigeants de compagnies et les organisateurs d’événements désirent lire exclusivement des commentaires positifs, lorsqu’ils ouvrent des publications. En 2007, un événement déplorable est survenu et c’est un excellent exemple pour étayer ce propos. Le journal Le Devoir s’est fait refuser l’accès au concert du groupe rock britannique Sting, sous prétexte qu’il n’y avait plus aucun billet disponible. Je me dois de le préciser comme Jean-François Nadeau l’a fait : « Il y a eu des billets pour tous les quotidiens de Montréal, sauf pour le seul qui soit indépendant... »
 En ce sens, la véritable critique est censurée par le commerce et en ce qui a trait aux autres critiques, elles sont écrites de manière à ce que l’on ne leur fasse pas subir le même sort qu’aux précédentes.

Y a t’il encore des critiques artistiques au Québec? Appelons les choses comme elles le sont réellement, sans aucune fioriture. Rebaptisons tout simplement la critique. Dorénavant, on la catégorisera comme étant un texte publicitaire. Cela étant dit, il n’y a aucun mal à faire de la publicité, afin d’encourager l’art qui provient d’ici. C’est avec cette nouvelle forme de commercialisation que l’on peut se forger sa propre idée. Bien qu’actuellement la majorité des critiques qui figurent dans les quotidiens ne font qu'encenser les créations québécoises, il est primordial de se faire son opinion. On ne doit pas avoir de préjugés et dénigrer ce qui se fait au Québec simplement parce que l’on nous a dit qu’elles étaient bonnes, alors que nous savons que c’est faux. Il ne faut pas aussi croire que les journaux sont les seules sources valables...

En fait, qu’est-ce qui est plus valable? L’avis d’un professionnel qui est payé pour dire certaines choses ou celui de monsieur et madame tout le monde qui écrivent pour le plaisir de partager leur humble avis? Les blogues regorgent d’opinions diverses sur les événements artistiques, les productions théâtrales, les expositions, etc. Il est même possible de les consulter sans débourser un dollar de sa poche! Alors oui, il y a bel et bien des critiques au Québec, il s’agit simplement de les retrouver et d’être capable de différencier la critique de la publicité.

Je ne tends pas, ici, à rendre légitime le fait que les critiques soient devenues des textes publicitaires. Je ne fais que constater que les critiques ont souvent des visées mercantiles comme toile de fond.

1 CORENELLIER Louis, Lire le Québec au quotidien, Québec, Les éditions Varias, 2006, 160 p.
2 NADEAU Jean-François, « Pourquoi Le Devoir n’ira pas voir The Police», Le Devoir, 25 juillet 2007, p. a1

1 commentaire:

Unknown a dit…

Je suis en grande partie en accord avec ce que tu avances. « Il ne faut pas mordre la main qui nous nourrit. » Cet été, j’ai eu la chance de travailler dans une radio de Québec et de remplacer pendant un mois celle qui était responsable des nouvelles culturelles. Avant cela, j’ai eu un stage d’un mois en sa compagnie et j’ai vécu ce dilemme de ne pas critique nos annonceurs, car ce sont eux qui permettre à la station d’être ce qu’elle est.

On ne m’a pas sanctionnée ou menacée, mais on m’a fait comprendre que si je n’avais pas aimé tel spectacle ou tel film présenté à un cinéma en particulier, par exemple, je devrais peut-être m’abstenir d’en parler plutôt que d’en faire une mauvaise critique, car ce sont des partenaires de la station.

Je comprends en un sens la réaction du média, car on ne veut pas « se tirer dans le pied »… Néanmoins, le rôle d’une critique est de donner un avis vrai. Pour ne pas tomber dans le piège, j’ai préféré ne pas parler de certaines choses plutôt que d’en faire une mauvaise critique, je n’ai donc pas été dans le sens contraire de mes valeurs, car je n’aime pas mentir.

En fait, je suis d’accord avec toi, la critique des internautes sur un blogue vaut parfois beaucoup plus que celle d’un média officiel et c’est là la beauté de la chose de la montée du journalisme citoyen. Bien que tout ne soit pas parfait avec ce nouveau type de journalisme, une critique un peu moins déguisée ne peut que bien se prendre.