Un projet-pilote au Saguenay et dans la région de Chaudière-Appalaches permet désormais aux ambulanciers de déclarer un décès. Conséquemment, les ambulanciers ne sont plus tenus de rapatrier les cadavres dans un centre hospitalier. La tâche de faire ramasser le corps par des services funéraires revient à la famille.
Ce projet-pilote me semble une grave atteinte à la dignité humaine et un manque d'éthique flagrant. Comment peut-on accepter de laisser un cadavre sur le bord de la route ou n'importe où ailleurs?
Imaginons une personne loin de sa région d'origine, en voyage pour quelques jours, happée par une voiture. Le temps que la famille puisse appeler les services funéraires, son cadavre aura eu le temps d'être à moitié dévoré par les pigeons... J'exagère sans doute, mais l'idée demeure qu'on ne peut pas laisser un cadavre à la vue de tous au milieu de la place publique. Et si un proche, pas encore au courant du décès, venait à passer à côté du corps pour reconnaître son meilleur ami, sa copine ou peu importe? C'est inacceptable. Tout à fait inadmissible.
En plus, on a instauré ce projet-pilote au nom de l'efficacité. De la productivité. Bien sûr. On manque de personnel ambulancier, tout le monde le sait. Mais en quoi cela aidera-t-il de refiler le fardeau des cadavres aux services funéraires? On pellette le problème en-avant, en préférant en passer la responsabilité à des compagnies privées. Encore une belle façon de promouvoir l'industrie de la mort.
Combien les familles endeuillées devront-elles payer pour faire ramasser le corps de leur proche? Elles ne reculeront pas devant le montant: elles doivent le sortir de la rue, au plus vite, c'est incompréhensible et intolérable qu'il reste là à la vue de tout le monde. Une sacrée belle manière de faire du profit.
Mais cette obsession de l'efficacité dans les services préhospitaliers ne me semble pas justifier ce projet-pilote. Il doit rester une certaine dignité humaine dans ce monde de fous. On ne peut pas sacrifier la dignité d'un mort pour augmenter l'efficacité. Il faut embaucher plus, former plus. Ce n'est pas en passant le problème à d'autres qu'on le réglera. La solution, à mon avis, est de promouvoir davantage le métier d'ambulancier, comme on promeut ceux d'infirmier ou de médecin, pour aller chercher plus de personnel et grossir les rangs de la profession. Il n'y a pas de solution miracle, il faudra du temps, mais la pénurie de personnel finira par s'estomper, si on y met tous les efforts.
Je précise ici que ce projet-pilote s'inspire de ce qui se fait déjà en Ontario. Je ne vois pas vraiment en quoi cela doit absolument être transféré ici. Si je devais choisir entre attendre un peu plus après mon ambulance ou voir des cadavres abandonnés ici et là, je préférerais la première option. Sans hésiter. Au nom de la dignité.
Source
Radio-Canada. Gagner du temps en permettant aux ambulanciers de l'Outaouais de constater les décès. En ligne. 29 novembre 2012. URL: http://actualites.ca.msn.com/regional/ottawa-gatineau/gagner-du-temps-en-permettant-aux-ambulanciers-de-loutaouais-de-constater-les-décès
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