vendredi 19 avril 2013

Un monde plus connecté que jamais, du monde plus seul que jamais


Sherry Turkle, une sommité dans le domaine de la psychologie aux États-Unis, a réalisé une recherche concernant les effets que pourrait avoir la technologie de la communication mobile (TCM) sur la psychologie humaine. Les résultats de son travail sont bouleversants : les TCM sont tellement puissantes psychologiquement qu’elles pourraient avoir des répercussions néfastes sur notre vie sociale.

Dans son ouvrage Alone Together, la psychologue Sherry Turkle explique que les technologies de la communication mobile (les téléphones intelligents, Facebook, Twitter, les courriels, etc.), qu’elle décrit comme étant le prolongement de nous-mêmes, sont en train de modifier la véritable nature humaine. D’une part, elles ont modifié ce que nous faisons et d’autre part, ce que nous sommes. Par exemple, certains de nos comportements actuels nous auraient paru étranges et même déplacés si nous les avions observés quelques années plus tôt. Notamment, « texter » lors d’une réunion ou au milieu d’un cours, regarder notre profil Facebook pendant qu’on a une discussion, lire nos courriels pendant des funérailles, etc. À l’inverse, ce genre d’agissements nous semble tout à fait normal. À cet égard, Mme Turkle développe l’idée selon laquelle nous avons appris à être ensemble tout en ne l’étant pas à la fois. Avec les TCM nous sommes constamment connectés les uns avec les autres, mais nous sommes seuls. La spécialiste explique que les TCM ont pris une place dominante dans nos vies parce que nous avons l’impression qu’elles permettent de réaliser trois de nos fantasmes : pouvoir décider où diriger notre attention; être toujours entendu; n’être jamais confronté à la solitude.

En regard au premier élément ci-haut, nous avons effectivement un profond désir de contrôler vers quoi diriger notre attention. À vrai dire, on se déconnecte du monde réel pour se plonger la tête dans notre téléphone mobile, de manière à fuir les situations et les sujets de conversation trop difficiles à gérer ou trop demandant. Vous vous demandez surement quel est le problème. Selon Sherry Turkle, ce comportement affecte bien évidemment nos relations les uns avec les autres, mais aussi notre relation avec nous même et notre capacité à réfléchir. D’ailleurs, l’enquête de la psychologue montre que certaines personnes préfèrent « texter » que d’avoir une vraie conversation. Pourquoi cela? « Parce qu’avoir une conversation ça prend de la place dans le temps réelle et on ne peut pas contrôler ce qu’on va dire ». Effectivement, les « textos » et les e-mails nous donnent la possibilité de nous présenter sous notre meilleur jour. Dans ce contexte, Sherry Turkle se demande si : « Est-ce que nous avons tellement perdu confiance en nous que nous ne pouvons plus être là les uns pour les autres? »

Sherry Turkle souligne que notre désir de vouloir passer plus de temps avec des robots serait provoqué par le sentiment que personne ne nous écoute. Pour combler ce manque, nous tentons de donner un sens à notre vie en nous tournant vers des machines qui n’ont aucune expérience de vie, mais qui malgré tout ont l’aire de tenir à nous. Aussi pathétique que cela puisse paraitre, nous développons des technologies sophistiquées qui donnent l’impression d’avoir des compagnons, des amis qui nous écoutent. Désormais, nous partageons absolument tous nos sentiments et nos pensées via les TCM et c’est ce qui nous permet de définir notre identité. Notre philosophie est devenue : « Je partage donc je suis ». Avant c’était « j’ai un sentiment, je veux faire un appel », maintenant c’est « je veux avoir un sentiment, je dois envoyer un texto ». Le problème avec cette nouvelle manière de penser est que sans connexion, nous n’existons plus. Nous avons l’impression que d’être constamment connectés nous fera nous sentir moins seuls. Mais est-ce vraiment le cas?

La crainte de se retrouver seul nous amène également à nous connecter de plus en plus. En effet, la professeure Turkle observe qu’être seul semble être devenu un problème qui a besoin d’être résolu et nous tentons de le résoudre en nous connectant. Nous avons développé une profonde vulnérabilité face à la solitude. En effet, lorsqu’on se retrouve seul avec nous même des sentiments de panique et d’anxiété peuvent nous envahir et c’est pour échapper à ce genre d’émotions que nous nous connectons. En vérité, selon Mme Sherry Turkle, se connecter reflète davantage un symptôme qu’une solution. Dans ce contexte, nous avons plus d’attente envers la technologie et moins d’attentes envers les autres. En effet, parce que les relations humaines sont exigeantes et parfois difficiles à entretenir, on les remplace par la technologie. Cependant, notre téléphone mobile n’est pas empathique et il n’a pas de vraies émotions, ce n’est qu’une illusion…  

Enfin, bien que j’aie essayé de vous résumer du mieux que j’ai pu la recherche et les idées de Mme Sherry Turkle, je vous invite fortement à aller visiter ce lien http://www.youtube.com/watch?v=t7Xr3AsBEK4 pour consulter le brillant discours que Sherry Turkle a donné à la conférence TED talk.

Serait-il temps de réviser la manière dont nous utilisons les technologies de communication mobile avant qu’il soit trop tard?


Références :

Turkle, Sherry. 2012. « Connected, but alone? ». TEDtalksDirector. En ligne. http://www.youtube.com/watch?v=t7Xr3AsBEK4. Consulté le 16 avril 2013.

Turkle, Sherry. 2012. Alone Together :Why We Expect More from Technology and Less from Each Other. New York, 384p. En ligne. http://online.wsj.com/article/SB10001424052748703583404576080030037244312.html. Consulté le 16 avril 2013.




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