La santé publique a-t-elle agi avec la conscience d’une action sociétale responsable?
La dernière campagne nationale de sensibilisation, organisée par la santé publique, a récemment créé un « bébé » scandale, en mettant en scène une image plutôt inhabituelle de la mère qui nourrit son enfant. Cette publicité montrait l’actrice et femme d’affaires, Mahée Paiement, allaitant son bébé dans une mise en scène digne d’un tapis rouge. Le slogan de la campagne : allaiter c’est gl« amour ». Plusieurs se sont dit choqués par cette image qu’ils qualifiaient d’irréaliste et de froide. D’autres ont décriés l’aspect réducteur de la chose. Ce geste ainsi sexualisé allait totalement à l’encontre du geste intime de nourrir son enfant.
La beauté ça fait changement
Bien que la publicité soit rarement réaliste, ce que cette image dégage c’est davantage d’attirer l’attention et de créer un intérêt. La beauté, par ailleurs, est un outil très efficace. « En ce sens, c’est là où le vrai message de la publicité devrait porter : le geste d’amour que ces femmes posent, l’allaitement de leurs enfants, est également un geste d’une réelle beauté; beauté mise en scène de façon métaphorique par le mot « glamour » (pour profiter du jeu de mots). C’est la beauté du geste, voir la beauté intérieure qui est glamour ici, et non l’actrice que vous voyez à l’écran ». (Levesque, P. 2012 : en ligne) Mais à bien y penser, l’actrice et femme d’affaires a toujours été perçue comme étant une femme aimant la sensualité, la beauté, le charme et l’éclat. Il est donc normal de la retrouver dans cette posture. Le lien se fait directement. C’est cohérent. Ceci étant dit, on peut tout de même se demander pourquoi la santé publique n’a trouvé rien de mieux que d’accepter ce concept pour parler à toutes les femmes du Québec de la nécessité de l’allaitement.« Évidemment, ce n'est pas en montrant une mère cernée, cheveux en bataille, pantalon de jogging et feuilles de chou sur les seins que l'on convaincra les plus réticentes. Mais présenter une image idéalisée de l'allaitement ne fait qu'accentuer le sentiment d'inaptitude et de culpabilité des mères ». (Elkouri, R. 2012 : en ligne) La beauté ne passe pas le bon message dans ce cas. Par ailleurs, on ne parle pas du manque de ressources pour les femmes.
Publicité de la santé publique sur l'allaitement 2012, avec Mahée Paiement
Publicité de la santé publique sur l'allaitement 2006, avec Julie Snyder
Erreur sur la personne
Le « glamourisation » de l’allaitement est d’ailleurs loin de toucher la majorité des femmes qui se questionnent sur l'alimentation du nouveau-né. Je ne crois pas que la plupart des femmes qui viennent d’accoucher peuvent vraiment s’identifier à l’actrice. En effet, l'identification est fondamentale lorsqu’on propose un comportement dans une campagne sociétale. Par ailleurs, pour qu’un comportement soit adopté le public cible doit adhérer à l’image. « Il ne suffit pas qu'une publicité fasse jaser pour qu'elle soit efficace. Il faut que le message passe. Ici, l'intention est bonne - encourager les femmes à allaiter, lever les tabous. Mais le message est tordu et rate sa cible ». (Elkouri, R. 2012 : en ligne) Peu de femmes doivent se retrouver dans cette image « placée » de la mère nourricière. Mahée Paiement l’indique elle-même dans une entrevue accordée à l’émission Tout le monde en parle. Elle mentionne que la plupart du temps, elle allaite en linge mou, sans maquillage, comme le ferait la majorité des femmes. À quelques reprises il lui est arrivé d’allaiter sur un plateau de tournage entre deux « take », mais ces situations demeurent des exceptions.
Néanmoins, l'idée du clin d'oeil aux femmes d’affaires qui allaitent est intéressante. Cependant, ce n’est pas une majorité. Si tel est le cas où veut-t-on en venir avec cette publicité? On peut en effet se demander « que veut exprimer la campagne Moi aussi j’allaite? Qu’allaiter, c’est glamour? Qu’un verre de lait, c’est bien, mais que deux, c’est mieux (hé hé !)? Qu’il ne faut pas être gêné de se dénuder en public pour nourrir bébé? Qu’il est facile d’allaiter et qu’on peut le faire n’importe où, même dans sa loge cinq minutes avant d’entrer en ondes? » (Falkenberg, M. 2012 : en ligne) Celles qui l’ont vécu le savent, l’allaitement peut bien se passer, mais également être la source de bien des tracas. L'allaitement, en plus d’être encore tabou pour de nombreuses femmes, demande l’aide d’un entourage spécifique, d’adaptation et peut faire passer la femme par toute une gamme d’émotions sans compter la pression sociale et les coûts qui y sont reliés. L’argument glamour est donc très futile. Bien sûr dans la plupart des cas, l'allaitement est une expérience enrichissante qui procure ses bienfaits. C'est pourquoi, la santé publique devrait plutôt se concentrer au développement et à la réalisation de projets d'intervention auprès des femmes. Elle devrait davantage mettre l’accent sur l’aspect santé, naturel de la chose et sur l’accessibilité comme cela a été le cas dans les campagnes précédentes. Il semblerait que le changement de comportement soit un processus à long terme qui bénéficierait d'une certaine continuité.
Elkouri, Rima. 2012. « Allaiter n'est
pas glamour ».La Presse. 6 octobre 2012. [En
ligne]. URL : http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/rima-elkouri/201210/05/01-4580828-allaiter-nest-pas-glamour.php.
Consulté le 20 octobre 2012.
Falkenberg,
Melissa Maya. 2012. « Sortez vos lolos! Allaiter, c’est glamour!». Le Devoir. Actualités en société. 6 octobre [En ligne]. URL : http://www.ledevoir.com/societe/ actualites-en-societe/360862/sortez-vos-lolos-allaiter-c-est-glamour.
Consulté le 20 octobre 2012.
Levesque,
Patrick. 2012. « Le scandale du sein de la sensible starlette ». Le Globe. [En ligne]. URL : http://leglobe.ca/blog/2012/10/le-scandale-du-sein-de-la-sensible-starlette/.
Consulté le 20 octobre 2012.
La dernière campagne nationale de sensibilisation, organisée par la santé publique, a récemment créé un « bébé » scandale, en mettant en scène une image plutôt inhabituelle de la mère qui nourrit son enfant. Cette publicité montrait l’actrice et femme d’affaires, Mahée Paiement, allaitant son bébé dans une mise en scène digne d’un tapis rouge. Le slogan de la campagne : allaiter c’est gl« amour ». Plusieurs se sont dit choqués par cette image qu’ils qualifiaient d’irréaliste et de froide. D’autres ont décriés l’aspect réducteur de la chose. Ce geste ainsi sexualisé allait totalement à l’encontre du geste intime de nourrir son enfant.
La beauté ça fait changement
Bien que la publicité soit rarement réaliste, ce que cette image dégage c’est davantage d’attirer l’attention et de créer un intérêt. La beauté, par ailleurs, est un outil très efficace. « En ce sens, c’est là où le vrai message de la publicité devrait porter : le geste d’amour que ces femmes posent, l’allaitement de leurs enfants, est également un geste d’une réelle beauté; beauté mise en scène de façon métaphorique par le mot « glamour » (pour profiter du jeu de mots). C’est la beauté du geste, voir la beauté intérieure qui est glamour ici, et non l’actrice que vous voyez à l’écran ». (Levesque, P. 2012 : en ligne) Mais à bien y penser, l’actrice et femme d’affaires a toujours été perçue comme étant une femme aimant la sensualité, la beauté, le charme et l’éclat. Il est donc normal de la retrouver dans cette posture. Le lien se fait directement. C’est cohérent. Ceci étant dit, on peut tout de même se demander pourquoi la santé publique n’a trouvé rien de mieux que d’accepter ce concept pour parler à toutes les femmes du Québec de la nécessité de l’allaitement.« Évidemment, ce n'est pas en montrant une mère cernée, cheveux en bataille, pantalon de jogging et feuilles de chou sur les seins que l'on convaincra les plus réticentes. Mais présenter une image idéalisée de l'allaitement ne fait qu'accentuer le sentiment d'inaptitude et de culpabilité des mères ». (Elkouri, R. 2012 : en ligne) La beauté ne passe pas le bon message dans ce cas. Par ailleurs, on ne parle pas du manque de ressources pour les femmes.
Publicité de la santé publique sur l'allaitement 2012, avec Mahée Paiement |
Publicité de la santé publique sur l'allaitement 2006, avec Julie Snyder |
Erreur sur la personne
Le « glamourisation » de l’allaitement est d’ailleurs loin de toucher la majorité des femmes qui se questionnent sur l'alimentation du nouveau-né. Je ne crois pas que la plupart des femmes qui viennent d’accoucher peuvent vraiment s’identifier à l’actrice. En effet, l'identification est fondamentale lorsqu’on propose un comportement dans une campagne sociétale. Par ailleurs, pour qu’un comportement soit adopté le public cible doit adhérer à l’image. « Il ne suffit pas qu'une publicité fasse jaser pour qu'elle soit efficace. Il faut que le message passe. Ici, l'intention est bonne - encourager les femmes à allaiter, lever les tabous. Mais le message est tordu et rate sa cible ». (Elkouri, R. 2012 : en ligne) Peu de femmes doivent se retrouver dans cette image « placée » de la mère nourricière. Mahée Paiement l’indique elle-même dans une entrevue accordée à l’émission Tout le monde en parle. Elle mentionne que la plupart du temps, elle allaite en linge mou, sans maquillage, comme le ferait la majorité des femmes. À quelques reprises il lui est arrivé d’allaiter sur un plateau de tournage entre deux « take », mais ces situations demeurent des exceptions.
Néanmoins, l'idée du clin d'oeil aux femmes d’affaires qui allaitent est intéressante. Cependant, ce n’est pas une majorité. Si tel est le cas où veut-t-on en venir avec cette publicité? On peut en effet se demander « que veut exprimer la campagne Moi aussi j’allaite? Qu’allaiter, c’est glamour? Qu’un verre de lait, c’est bien, mais que deux, c’est mieux (hé hé !)? Qu’il ne faut pas être gêné de se dénuder en public pour nourrir bébé? Qu’il est facile d’allaiter et qu’on peut le faire n’importe où, même dans sa loge cinq minutes avant d’entrer en ondes? » (Falkenberg, M. 2012 : en ligne) Celles qui l’ont vécu le savent, l’allaitement peut bien se passer, mais également être la source de bien des tracas. L'allaitement, en plus d’être encore tabou pour de nombreuses femmes, demande l’aide d’un entourage spécifique, d’adaptation et peut faire passer la femme par toute une gamme d’émotions sans compter la pression sociale et les coûts qui y sont reliés. L’argument glamour est donc très futile. Bien sûr dans la plupart des cas, l'allaitement est une expérience enrichissante qui procure ses bienfaits. C'est pourquoi, la santé publique devrait plutôt se concentrer au développement et à la réalisation de projets d'intervention auprès des femmes. Elle devrait davantage mettre l’accent sur l’aspect santé, naturel de la chose et sur l’accessibilité comme cela a été le cas dans les campagnes précédentes. Il semblerait que le changement de comportement soit un processus à long terme qui bénéficierait d'une certaine continuité.
Falkenberg, Melissa Maya. 2012. « Sortez vos lolos! Allaiter, c’est glamour!». Le Devoir. Actualités en société. 6 octobre [En ligne]. URL : http://www.ledevoir.com/societe/ actualites-en-societe/360862/sortez-vos-lolos-allaiter-c-est-glamour. Consulté le 20 octobre 2012.
Levesque, Patrick. 2012. « Le scandale du sein de la sensible starlette ». Le Globe. [En ligne]. URL : http://leglobe.ca/blog/2012/10/le-scandale-du-sein-de-la-sensible-starlette/. Consulté le 20 octobre 2012.
4 commentaires:
Je suis d’accord avec toi pour dire que le slogan n’est pas très approprié. Je ne vois pas ce qui pourrait faire changer une femme d’idée grâce à cela, excepté si elle veut être comme Mahée Paiement. De plus, je crois sincèrement que n’importe quelle femme aurait pu être mise à l’avant-plan dans cette publicité. Je ne crois pas que l’Agence de la Santé et des Services sociaux avaient besoin d’utiliser une artiste pour tenter de faire tomber les tabous sur l’allaitement. Probablement que leur mission première était de montrer que malgré le fait qu’elle est actrice et femme d’affaires, elle prend quand même le temps d’allaiter. De ce point de vue, c’est correct. Par contre, comme je l’ai dit plus haut, ils auraient pu prendre n’importe quelle femme. D’un autre côté, c’est la première publicité sur l’allaitement que j’ai eu conscience de voir et à ma connaissance, je crois que c’est la seule. Il doit y avoir un réel problème de perception pour qu’on soit rendu au point de promouvoir l’allaitement par la publicité. Quant à moi, je crois qu’on devrait plutôt laisser le libre choix aux femmes. De plus, je ne crois pas que ce soient les publicités qui vont faire changer les femmes d’idée, mais plutôt les médecins qui sont des experts dans ce domaine. À moins que nous soyons rendus au point tel que les êtres humains écoutent seulement ce qu’ils entendent dans les publicités… Je ne crois pas!
Comme plusieurs, je trouve le slogan et le concept et risible. Je suis persuadée qu’aucune femme ne s’est sentie interpellée en voyant cette publicité. Qui allaite vraiment en talon haut? Cependant, j’ajoute une petite précision que j’ai lue sur un blogue qui parle de publicité. Cette campagne a été réalisée bénévolement par des gens qui avaient de bonnes intentions. Conséquemment, aucun argent qui provient du gouvernement et de L’Agence de la santé et des services sociaux n’a été dépensé pour cette campagne.
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec mes coéquipières, car même si le message n’a pas été reçu de la manière dont les créateurs de cette publicité le souhaitaient, ceux-ci désiraient montrer une réalité que plusieurs femmes vivent face à l’allaitement. Les femmes qui désirent allaiter n’ont pas toutes une carrière « glamour » comme Mahée Paiement, mais la plupart retournent au travail et voient l’allaitement comme une contrainte. Cette campagne avait pour but de montrer que l’allaitement est maintenant accessible pour les femmes d’affaires. À mon avis, Mahée Paiement est une porte-parole crédible, car celle-ci vie exactement cette réalité au quotidien.
Toutes publicités tentent de pousser un peu plus loin les concepts pour être divertissantes et attractives auprès du public. Allaiter en robe de soirée et en talon haut, j’ai déjà vu plus choquant. Cette publicité à démontrer qu’il y a encore des tabous et préjugé sur l’allaitement. À mon avis, la publicité « l’allaitement c’est glamour », n’est aucunement choquante. Il faut, au contraire, réaliser que les choses ont changé, plusieurs femmes retournent au travail très vite après avoir accouché. Cette publicité voulait seulement montrer qu’il est possible, si les femmes le souhaitent, de continuer à allaiter malgré un retour au travail.
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