jeudi 11 octobre 2012

"C'est ma fille, je peux faire ce que je veux avec elle."

"C'est ma fille, je peux faire ce que je veux avec elle." Voici les propos de Mme Johra Kaleki pour se justifier d'avoir tenté de poignarder sa fille. La raison de l'attaque : Bahar, la fille aînée des Kaleki, est rentrée tard. Sa mère a donc essayé de lui inculquer les bonnes valeurs... en tentant de la poignarder et de l'étrangler par la suite. Ces événements ont eu lieu le soir du 13 juin 2010, mais le procès vient tout juste de commencer.

La famille Kaleki, qui est originaire d'Afghanistan, est musulmane. Il semblerait que ce soit la religion qui ait causé les nombreuses prises de becs entre Bahar et sa mère. La jeune fille de 19 ans voulait vivre sa  liberté comme toutes les jeunes filles québécoises de cette âge, comme toute ses amies en fait. Cependant, sa mère n'acceptait pas qu'elle sorte le soir, qu'elle fréquente des garçons, qu'elle ait des relations sexuelles avant le mariage, qu'elle fume ou qu'elle consomme de l'alcool. Bahar a donc commencé à n'en faire qu'à sa tête, au plus grand dam de sa mère. Jusqu'ici, les deux parties ont chacun des arguments valides, la religion et les valeurs pour Johra Kaleki et la liberté et la jeunesse pour Bahar Kaleki. Toutefois, les arguments ont pris une tournure tragique cette nuit de juin. Pour sa défense, Johra Kaleki aurait dit: "C'est ma fille, je peux faire ce que je veux." Elle soutient aussi que ce qui se passe dans sa maison ne la regarde qu'elle et son mari.

Jusqu'où se rend la frontière privé/public dans cette histoire? Mme Kaleki affirme que cela ne regarde personne d'autre que son mari et elle, mais les autorités voient cela autrement. Selon moi, lorsqu'un individu en attaque un autre, que ce soit une mère qui attaque sa fille ou un pur inconnu qui en attaque un autre, ce n'est plus du domaine privé. Après avoir subi des tests psychiatriques, Johra Kaleki a été déclarée apte à comprendre et subir son procès. De plus, elle affirme ne pas avoir de regret quant à ses actes et estime qu'elle aurait dû terminer ce qu'elle a commencé.

Plusieurs soutiennent que cette histoire sent le crime d'honneur, tout comme l'affaire Shafia qui a eu lieu en 2011. La thèse du crime d'honneur est soutenue par le fait que Mme Kaleki ne regrette aucunement ses gestes, et qu'au contraire, elle semble affligée de ne pas avoir réussi à tuer sa fille et aussi par le fait que la religion est un puissant facteur dans cette histoire. Crime d'honneur ou non, cette histoire remet en question le pouvoir des parents sur leurs enfants. Où se trouve la limite de ce pouvoir et qui peut déterminer s'il est légitime?

Sources:
http://www.radio-canada.ca/regions/Montreal/2012/09/24/003-ouverture-proces-johra-kaleki.shtml

http://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/justice-et-faits-divers/201209/27/01-4578104-proces-kaleki-la-mere-voulait-poignarder-sa-fille-a-mort.php

http://www.montrealgazette.com/news/Johra+Kaleki+doesn+recall+statements+made+doctors/7317591/story.html

4 commentaires:

Unknown a dit…

Le cas que tu nous exposes ici est la preuve que les convictions profondes, entre autres celles issues de la religion, sont le moteur de la plupart de nos actes. Comme tu l'as décrit Justine, la mère ne regrette aucunement ses actes. Elle affirme même qu'elle "finirait le travail" si elle en avait l'occasion. Les systèmes valeurs sont différents pour tous, nationalité et religion confondues, mais cela prouve qu'ils ne sont pas tous acceptés entre eux. C’est-à-dire que chaque système de valeurs n’accepte pas nécessairement les autres.

La question que tu soulèves est intéressante, mais où s'arrête la limite entre la vie privée et celle publique? La mère Kaleki a le droit d’imposer certaines règles sous son toit. Et d’une certaine manière, sa fille doit lui reconnaître un respect. Évidemment, ce respect doit être partagé entre les membres de la famille. Dans le cas qui nous occupe, la mère s’en est prise à la vie de sa fille. Dans notre société, une réprimande verbale aurait été jugée comme correcte. Ceci aurait relevé de la vie privée et personne n’aurait eu son mot à dire. Cependant, la vie de jeune fille était en jeux. Personne n’a le droit de vie et de mort sur les autres dans notre culture. C’est donc pourquoi le public doit intervenir dans l’affaire en question afin d’assurer le respect des droits individuels. Même si dans la culture des parents de cette famille, la mère pouvait tuer sa fille, ici cet acte est condamnable, peut importe la relation entre les deux personnes.

Pour terminer, nous avons tous un système de valeurs personnelles qui peut être influencé par nos parents, nos amis, notre culture, notre religion, etc. Afin d’atteindre le « bien vivre ensemble », il faut cependant respecter le système de valeurs commun que la société dans laquelle nous vivons nous impose.

Elisabeth Hogue a dit…

Je suis en parfait accord avec ce que disent Justine et Olivier. De mon côté, ce qui me frappe et me fait me poser plusieurs questions est la différence de valeurs et de conviction profonde entre cette mère musulmane et moi. Je n’arrive pas à m’enlever de la tête que si cette famille n’avait pas immigré ici, au Québec, il y a de fortes chances pour que cette mère ait l’occasion de « finir le travail ». Certes, je consens que si elle ne vivait pas au Québec, probablement que la jeune fille ne se serait pas autant rebellée contre les valeurs de sa famille. Mais est-ce un crime de vouloir s’intégrer? Est-ce punissable par l’étranglement de vouloir vivre selon ses propres valeurs et non celles de ses parents? À en croire madame Kaleki, oui.

Cette histoire met de l’avant les difficultés que peuvent vivre les immigrants de deuxième génération. Comment peuvent-ils rester fidèles à leurs ancêtres et à leur patrimoine tout en se faisant une place dans une société prônant des valeurs différentes? Également, le défi que représente le fait de s’affirmer sans risquer de perdre le respect de ses parents doit être considérable.

Pour terminer, je me considère comme une personne tolérante et ouverte d’esprit et je me fais un devoir de ne pas juger au premier abord. Je trouve dommage d’entre des histoires comme celle-ci puisque cela ne favorise aucunement l’acceptation et la tolérance face aux immigrants musulmans dans notre société, lesquels ne sont déjà pas faciles à obtenir.

Unknown a dit…

« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. » Voilà un proverbe qui, selon moi, s’applique bien à cette situation. Malheureusement, comme je peux voir, mon avis n’est pas partagé par tous et surtout pas par Mme Johra Kaleki. Je n’arrive pas à croire que la mère défend son acte en soutenant que ce qui se passe sous son toit la regarde. Ce qui me désole, c’est de voir à quel point cette famille ne s’est pas intégrée au Québec. Je suis consciente que nous ne partageons pas les mêmes valeurs et que c’est parfois difficile de s’intégrer, mais lorsqu’on s’installe dans un nouveau pays, on se doit de faire des efforts. Alors même si la mère ne veut rien savoir de nos valeurs et qu’elle ne veut pas changer sa mentalité, elle devrait au moins faire l’effort d’accepter que sa fille vive sa vie comme elle l’entend.

Unknown a dit…

J'ai été stupéfaite de lire et d'en apprendre plus sur cette histoire. Comment une mère peut-elle seulement penser faire du mal à ses enfants? La religion, oui, y a peut-être quelque chose à voir, mais il y a des limites. Je suis d'accord avec Élisabeth, qui a souligné que si la famille Kaleki n'avait pas déménagé ici, la mère aurait sans doute finit le travail, dans une telle situation.

Ici, au Québec, il existe d'autres façon d'imposer une certaine autorité (dans le respect) et d'appliquer certaines sanctions. Être privée de sortie, avoir des tâches ménagères en plus, un couvre-feu, ne sont que quelques exemples des sanctions qu'aurait pu recevoir Bahar Kaleki (pour seulement avoir voulu s'intégrer un peu à la société d'ici...).

J'ai trouvé intéressant le point soulevé par Élisabeth sur la difficulté d'intégration des immigrants de 2e génération. En effet, ces derniers sont pris en cisaille entre leurs valeurs familiales, traditionnelles et religieuses, et les valeurs de la société québécoise, qui parfois sont bien différentes. Quelle place donner à chacun?

Je soutiens donc que cet acte est impardonnable, la seule pensée l'est tout autant.