dimanche 18 mars 2012

Les journalistes en dilemme professionnel


Les journalistes ont comme devoir professionnel d’informer les citoyens sur des sujets d’actualités. Ils doivent faire preuve d’objectivité et de neutralité en tout temps. Une profession qui semble au premier abord noble et juste. Toutefois, les journalistes doivent désormais faire face à des contraintes économiques et des contraintes de temps.

Pour augmenter leur chiffre d’affaires, les entreprises médiatiques doivent s’assurer d’avoir des lecteurs, des auditeurs et des téléspectateurs. Plus le public est large, plus la recette publicitaire est importante et plus il y a de profits. D’où la nécessité pour ces entreprises d’attirer l’attention et de répondre aux besoins de leurs publics. Mais, cette tâche revient en réalité aux journalistes. D’une part, ils doivent informer les citoyens sur les enjeux sociaux, économiques et politiques et du même coup, ils doivent s’assurer que l’information transmise attirera l’attention de ceux-ci. Les journalistes doivent désormais informer pour être lu, écouter ou regarder et non plus informer au nom de la démocratie. Selon le chercheur Glassner les médias n’auraient plus ce désir d’informer de manière ‘rigoureuse et équilibrée’ mais ils chercheraient plutôt à faire du profit (1999). 

Il y a aussi une contrainte de temps qui vient perturber le travail des journalistes. Pour surprendre le public, il faut que les nouvelles soient fraiches. Il y a ainsi une grande concurrence entre les différents médias pour être le premier à annoncer un « scoop ». La variable de temps devient essentielle pour faire compétition. Ce temps limité à des répercussions considérables dans le travail des journalistes. Ils sont davantage portés à anticiper les conséquences des événements plutôt qu’à expliquer et analyser une situation.

En général, ce qui attire l’attention ce sont des faits divers, des histoires alarmantes, des scandales, des crimes, des témoignages humains et des catastrophes naturelles. Les enjeux plus complexes sur la politique, l’économie ou les découvertes scientifiques sont des sujets moins en vogue. Le sensationnalisme médiatique vient remédier à la situation. Comme le déplore Marc-François Bernier, pour remédier à ces diverses contraintes de temps et d’argent, « la stratégie la plus rentable demeure la superficialité, la simplification parfois abusive, l’exagération de certains faits ou d’hypothétiques conséquences sociales, économiques, morales, scientifiques, etc. » (2003) En conséquence, les journalistes doivent se repositionner professionnellement pour répondre à la demande. Lors du congrès de l’association francophone pour le savoir [ACFAS] en 2003, Marc-François Bernier décrit le sensationnalisme médiatique comme une


« Amplification temporaire de cette tendance naturelle des journalistes à privilégier le côté négatif des événements. Pendant les épisodes de sensationnalisme, pour répondre rapidement à une demande d’information de la part du public, les journalistes gardent essentiellement la même posture mais multiplient les articles ou les reportages alarmistes sur un sujet particulier. »

Il n’est pas nouveau que les nouvelles soient bondées d’histoires et d’images cauchemardesques, de guerres, de sang, de souffrances, de sagas politiques, etc.  Toujours plus sombre, toujours plus violent, toujours plus choquant. Jusqu’où iront-ils ces journalistes pour surprendre? Est-ce que le public deviendrait de moins en moins sensible devant ces multiples scènes de drames? La limite de l’acceptable est entre les mains du photojournaliste. Pour l’instant, ces professionnels sont tenus de respecter la dignité et la vie privée des personnes. Mais lorsque le public en demandera plus, est-ce que les journalistes franchiront la zone grise pour répondre à la demande? Est-ce vraiment l’argent qui contrôle notre monde?



Bernier, Marc-François. 2003. «  Le sensationnalisme en journalisme : excès de la demande sur l’offre? ». Communication dans le cadre du congrès de l’ACFAS, Rimouski. [en ligne]. http://metamedias.blogspot.com/2003/05/le-sensationnalisme-en-journalisme.html. Consulté le 16 mars 2012


GLASSNER, Barry. The Culture of Fear: Why Americans are Afraid of the Wrong Things, New York, Basic Books, 1999, 276 p.


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