« Il ne faut pas morde la main de celui qui nous nourrit »
Le commerce, l’argent et le profit ne dominent pas le monde.
Tous les travailleurs exercent leur profession main dans la main et la justice
règne sur terre. Dans le meilleur des mondes, ces affirmations seraient vraies,
mais bien entendu le capital et le commerce ont une grande importance dans
notre vie de tous les jours. La mise en marché, plus communément appelé le marketing,
est partout, et ce, même dans les critiques d’art. À la base, la critique
devrait être objective, mais il est flagrant qu’elle ne l’est pas toujours dans
les quotidiens du Québec...
Comme le dicton populaire l’enseigne, il ne faut pas mordre la
main de celui qui nous nourrit. Il est facile de faire une analogie avec la
critique artistique qui se fait au Québec. Dès que l’on parle un peu de la
critique d’ici, les commentaires sont les mêmes ; la critique n’est plus
constructive et par le fait même elle n’est plus aussi pertinente. Un bon
nombre de gens ont constaté ce phénomène navrant et les causes sont toutes
sensiblement les mêmes: les journalistes qui sont chargés de critiquer l’art sont généralement des artistes, donc la
solidarité l’emporte sur l’objectivité. De surcroît, comme le marché est plutôt
fermé, on préfère souvent faire une bonne couverture afin de promouvoir le
produit. L’autre raison majeure qui pousse les journalistes à écrire des critiques qui vont à l’encontre de
leur conviction est simple: leur supérieur leur a fortement suggéré d’écrire
ainsi. La maxime populaire mentionnée ci-dessus prend alors tout son sens. Avant
de pouvoir mordre la main de celui qui le nourrit, ce dernier doit avoir assez
de revenus pour se nourrir, c’est pourquoi les journalistes sont contraints d’écrire
des textes qui plairont à tous et qui seront des sources de gains substantiels.
Une question corollaire me vient en tête : qu’adviendrait
le journaliste, qui déciderait de mordre la main de son maître? Les critiques
du journal Le Devoir ont tenté l’expérience. D’ailleurs, selon l’auteur de l’ouvrage
de référence intitulé Lire le Québec au quotidien, Louis Cornellier, Le
Devoir est le seul journal de référence en matière de danse et de littérature
québécoise.
En écrivant
objectivement et en ayant une seule visée soit d’informer le plus justement les
lecteurs, les critiques qui travaillent pour Le Devoir perdent leur statut de
meilleur ami de l’homme. Effectivement, ces employés qui n’ont pas le « réflexe
conditionné pavlovien » d’écrire des textes insipides et biaisés comme
tous les autres employés de monsieur P. sont traités comme des chiens qui se
seraient mal conduits et que l’on devrait durement punir...
Le message est assez évident, les dirigeants de compagnies et
les organisateurs d’événements désirent lire exclusivement des commentaires
positifs, lorsqu’ils ouvrent des publications. En 2007, un événement déplorable
est survenu et c’est un excellent exemple pour étayer ce propos. Le journal Le
Devoir s’est fait refuser l’accès au concert du groupe rock britannique Sting,
sous prétexte qu’il n’y avait plus aucun billet disponible. Je me dois de le préciser
comme Jean-François Nadeau l’a fait : « Il y a eu des billets pour
tous les quotidiens de Montréal, sauf pour le seul qui soit indépendant... »
En ce sens, la véritable
critique est censurée par le commerce et en ce qui a trait aux autres
critiques, elles sont écrites de manière à ce que l’on ne leur fasse pas subir
le même sort qu’aux précédentes.
Y a t’il encore des critiques artistiques au Québec? Appelons
les choses comme elles le sont réellement, sans aucune fioriture. Rebaptisons tout
simplement la critique. Dorénavant, on la catégorisera comme étant un texte
publicitaire. Cela étant dit, il n’y a aucun mal à faire de la publicité, afin
d’encourager l’art qui provient d’ici. C’est avec cette nouvelle forme de
commercialisation que l’on peut se forger sa propre idée. Bien qu’actuellement
la majorité des critiques qui figurent dans les quotidiens ne font qu'encenser
les créations québécoises, il est primordial de se faire son opinion. On ne
doit pas avoir de préjugés et dénigrer ce qui se fait au Québec simplement
parce que l’on nous a dit qu’elles étaient bonnes, alors que nous savons que c’est
faux. Il ne faut pas aussi croire que les journaux sont les seules sources
valables...
En fait, qu’est-ce qui est plus valable? L’avis d’un
professionnel qui est payé pour dire certaines choses ou celui de monsieur et
madame tout le monde qui écrivent pour le plaisir de partager leur humble avis?
Les blogues regorgent d’opinions diverses sur les événements artistiques, les
productions théâtrales, les expositions, etc. Il est même possible de les
consulter sans débourser un dollar de sa poche! Alors oui, il y a bel et bien
des critiques au Québec, il s’agit simplement de les retrouver et d’être
capable de différencier la critique de la publicité.
Je ne tends pas, ici, à rendre légitime le fait que les
critiques soient devenues des textes publicitaires. Je ne fais que constater
que les critiques ont souvent des visées mercantiles comme toile de fond.
1 CORENELLIER Louis, Lire le Québec au quotidien, Québec, Les éditions
Varias, 2006, 160 p.
2 NADEAU Jean-François,
« Pourquoi Le Devoir n’ira pas voir The Police», Le Devoir, 25 juillet
2007, p. a1
1 commentaire:
Je suis en grande partie en accord avec ce que tu avances. « Il ne faut pas mordre la main qui nous nourrit. » Cet été, j’ai eu la chance de travailler dans une radio de Québec et de remplacer pendant un mois celle qui était responsable des nouvelles culturelles. Avant cela, j’ai eu un stage d’un mois en sa compagnie et j’ai vécu ce dilemme de ne pas critique nos annonceurs, car ce sont eux qui permettre à la station d’être ce qu’elle est.
On ne m’a pas sanctionnée ou menacée, mais on m’a fait comprendre que si je n’avais pas aimé tel spectacle ou tel film présenté à un cinéma en particulier, par exemple, je devrais peut-être m’abstenir d’en parler plutôt que d’en faire une mauvaise critique, car ce sont des partenaires de la station.
Je comprends en un sens la réaction du média, car on ne veut pas « se tirer dans le pied »… Néanmoins, le rôle d’une critique est de donner un avis vrai. Pour ne pas tomber dans le piège, j’ai préféré ne pas parler de certaines choses plutôt que d’en faire une mauvaise critique, je n’ai donc pas été dans le sens contraire de mes valeurs, car je n’aime pas mentir.
En fait, je suis d’accord avec toi, la critique des internautes sur un blogue vaut parfois beaucoup plus que celle d’un média officiel et c’est là la beauté de la chose de la montée du journalisme citoyen. Bien que tout ne soit pas parfait avec ce nouveau type de journalisme, une critique un peu moins déguisée ne peut que bien se prendre.
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